Tantara n'i Madagasikara

Thursday, May 26, 2005

Nicol, Andriambaventy d’origine grecque

Ramahery fut l’un des grands gouverneurs de la Mananjara. Si les lettres que l’on va lire sont signées Rainisoamiaramanana, c’est que la naissance d’un enfant lui avait fait perdre son nom (nahavery anarana). Cela était et reste fréquent à Madagascar. En Imerina, la coutume était suivie par toute la population, sauf par les andriana qui, à de très rares exceptions près, "ne pouvaient perdre leur nom" (tsy mahavery anarana). Comme il l’assume dans la signature de ses correspondances, Ramahery était donc devenu Rainisoamiaramanana "Père de Soamiaramanana" ou, en abrégé, Rainisoa "Père de Soa", comme l’appelait familièrement Nicol. Mais, dans son gouvernement, l’on continuait à l’appeler Ramahery "Honorable puissant", et c’est sous ce nom que des décennies plus tard, l’on invoquera son gouvernement aussi bien à Tananarive que dans le Sud-Est.

Par une lettre en date du 23 du mois du Bélier 1842, Ramahery ou Rainisoa, qui était alors 10 Honneurs, annonce à la Reine le décès de l’Andriambaventy Nicol et certaines conditions dans lesquelles se présente sa succession. Une série de correspondances avec Tananarive permet de comprendre la place qu’occupait dans la société malgache et dans l’esprit de la Reine ce Grec qui était devenu malgache, ou Malagasy avec une initiale majuscule, comme l’écrivit Rainisoa dans l’une de ses lettres. Parmi plusieurs dossiers concernant des étrangers, celui-ci nous aide à mieux saisir ce que représente l’accusation de "xénophobie" portée contre Ranavalona Ière par l’historiographie missionnaire depuis le XIXe siècle et par les historiens occidentaux, même les plus "progressistes" des années les plus récentes. Venons-en aux faits.

L’étranger devenu malgache

Le Grec Lambros Nicol – ou Nicolos, selon la tradition vazaha du milieu du XXe siècle –, était devenu le Malgache Nicol, et à son nom l’on accolait normalement son titre et sa fonction d’Andriambaventy au service du Royaume. Son histoire est encore à faire, mais il est déjà possible d’en esquisser les traits les plus généraux.
La première question qui se pose à son propos concerne son arrivée à Madagascar. Et la première supposition qui vient à l’esprit de tout un chacun conduirait à penser à un naufrage. Il est vrai que l’histoire est pleine de ces histoires de naufragés qui abordent Madagascar. Aussitôt émerge dans la mémoire moins le nom de Robert Drury que celui de Jean Laborde. En effet, l’histoire officielle répugne à se souvenir d’un Anglais qui devint l’andevo d’un prince (roandria) antandroy. Elle préfère évoquer le Français qui, avant de la trahir dans un complot qui échoua, s’illustra comme ingénieur de Ranavalona Ière et, avec la délectation d’une société qui, en Occident, se débat depuis des millénaires avec les problèmes de la chair, elle se plaît à rappeler qu’il en fut aussi l’amant, allant même, malgré l’impossibilité chronologique, à imaginer, voire à affirmer dans les conversations de salon, qu’il aurait été le père du futur Radama II.

Mais, comme Drury, beaucoup de ces marins et voyageurs que la fatalité avait conduits dans la Grande Ile, reprenaient le bateau dès qu’ils en avaient l’occasion. Parmi ceux qui s’installèrent et, au moins momentanément, y firent carrière, les plus nombreux furent sans doute de ces gens qui voulaient connaître du pays et cherchaient l’aventure, avec peut-être l’espoir de faire fortune : ils débarquaient des bateaux qui faisaient relâche ou mouillaient pour commercer, comme cet autre Grec qui, le mois des Poissons 1840, demande à Nicol de lui donner un emploi salarié, et pour lequel Nicol, arguant de la communauté d’origine, demande à Rainisoa de prier la Reine, "si tel est son désir", de l’autoriser à prendre le candidat immigrant à son service pour le seconder dans son travail.

Jean-Pierre Domenichini

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